mardi 27 mai 2014

[Coup de coeur] Je ne songeais pas à Rose, Victor Hugo.

Je ne songeais pas à Rose ;
Rose au bois vint avec moi
Nous parlions de quelque chose
Mais je ne sais plus de quoi.

J'étais froid comme les marbres ;
Je marchais à pas distraits ;
Je parlais des fleurs, des arbres
Son oeil semblait dire : "Après ?"

La rosée offrait ses perles,
Le taillis ses parasols ;
J'allais ; j'écoutais les merles,
Et Rose les rossignols.

Moi, seize ans, l'air morose ;
Elle, vingt ; ses yeux brillaient.
Les rossignols chantaient Rose
Et les merles me sifflaient.

Rose, droite sur ses hanches,
Leva son beau bras tremblant
Pour prendre une mûre aux branches
Je ne vis pas son bras blanc.

Un eau courait, fraîche et creuse,
Sur les mousses de velours ;
Et la nature amoureuse
Dormait dans les grands bois sourds.

Rose défit sa chaussure,
Et mit, d'un air ingénu,
Son petit pied dans l'eau pure
Je ne vis pas son pied nu.

Je ne savais pas quoi lui dire ;
Je la suivais dans les bois,
La voyant parfois sourire
Et soupirer quelquefois.

Je ne vis qu'elle était belle
Qu'en sortant des grands bois sourds.
"Soit ; n'y pensons plus !" dit-elle.
Depuis, j'y pense toujours.


lundi 26 mai 2014

[Recommandation] N'oublie pas que je t'aime, Jérôme-Arnaud Wagner


Ou, le récit des émotions paradoxales.


Eh oui, exactement, il est dramatique et pourtant débordant d'espoir..


Comme le dit l'auteur lui-même, le récit commence à quatre mains. On y découvre les prémisses de l'histoire d'amour entre Emmanuelle & Arnaud....ça aurait pu être une romance des temps modernes, comme on en trouve une myriade en librairie.
Et pourtant !
Les accents de sincérité de ce récit autobiographique et l'authentique fraîcheur des personnages (peut-être parce qu'ils ne sont pas, justement, des personnages mais bel et bien des personnes) ne font qu'accroître l'appréhension presque paralysante du moment fatidique : la mort brutale d'Emmanuelle. Puisque justement, dans ce livre, l'effet de surprise n'est jamais là où on l'attend. L'auteur est honnête, il nous avertit dès le titre. On a beau espérer que, finalement, on avait mal compris, et que peut-être, Emmanuelle ne serait pas tout à fait morte...

Pas tout à fait morte : c'est tout l'intérêt de l'histoire, la voilà la surprise qu'on attendait pas. 


Le souvenir, déjà. 
Emmanuelle est constamment présente tout autour d'Arnaud, comme un nuage qui le suivrait où qu'il aille. L'amour fusionnel qu'ils ont partagé a fait de lui un survivant qui doit faire le deuil de sa moitié, au sens propre. 
Et on se projette, nécessairement. On s'imagine vivre le même cauchemar. On ressent le froid, le silence, la déchirure. On mesure les effets de la souffrance en observant, à travers ce miroir, Arnaud et son vide abyssal. Et on se dit que c'est fini, que finalement l'histoire d'amour est un peu trop courte et qu'on aurait dû choisir un bouquin qui ne nous laisserait pas ce goût amer, cette sensation que la vie ne sera jamais comme dans Love Actually.


Le surnaturel, peut-être ?
Même si l'auteur lui-même n'est pas tout à fait sûr qu'il faille parler de surnaturel. En tout cas, on a envie d'y croire. Et puis, si on veut jouer avec la sémantique, remplaçons : "surnaturel" par "espoir". Car s'il y a bien une chose dont on est sûr c'est que leur amour (l'Amour ?) ne s'arrête avec la mort.
C'est affreusement rassurant.


Et vous, qu'avez-vous pensé de ce livre ?